Entre tous les termes qui désignent le thé dans différentes cultures et différentes langues, il serait aisé de s'y perdre. Je pense proposer une série de petits points pour clarifier les choses. Aujourd'hui, je vous propose discuter bancha.
Le bancha, c'est un thé vert du Japon. Déjà, ça, c'est fait. Au Japon on produit essentiellement du sencha (80% de la production à la louche), puis du bancha (dans les 10-15% de la production). C'est un thé peu exporté, moins que le sencha en tous cas, qui pendant très longtemps a été le plus bu (peu de gens pouvant se payer du sencha). A l'heure actuelle il reste très consommé, entre autre sous des formes "transformées" car c'est souvent lui que l'on retrouvera dans le hojicha (thé grillé) et le genmaicha (thé additionné de riz grillé, dont je vous donne un délicieux exemple ici).
Essayons de faire ça bien.
Alors c'est quoi au juste ?
On l'a dit, un thé vert. Issu du même bon vieux camelia sinensis qu'on connaît et qu'on aime. Le plus souvent, sous cette dénomination se cache une récolte tardive, automnale (les récoltes prisées ou en tout cas vues comme "de qualité" sont effectuées au printemps, puis en été). On peut très bien avoir une cueillette identique qu'un sencha sur des arbres utilisés pour le sencha : le fait que ce soit une récolte plus tardive classe le résultat final comme du bancha. Les feuilles seront un peu plus âgées, et/ou un peu plus abîmées, et/ou avec des tiges plus dures. C'est, en gros, le petit frère du sencha.
Il serait simpliste de se dire qu'un bancha est toujours moins bon qu'un sencha, même si les prix vont pourtant dans cette direction. Un bancha réalisé avec les feuilles d'arbres particulièrement bien traités et sans feuille trop "moche" sera bien meilleur qu'un sencha "vite fait".
Les feuilles sont le plus souvent traitées comme celles qui deviendront du sencha, c'est à dire qu'on les passe à la vapeur (30s en général) pour en stopper l'oxydation. Les feuilles sont ensuite malaxées pour leur donner leur forme et commencer à les sécher, puis elles seront séchées. Bien sûr, à l'heure actuelle, tout cela se fait dans des machines.
Ca, c'est donc le bancha dans le sens où on l'entend le plus souvent. C'est un thé qui sera plus pauvre en caféine que son copain le sencha, aux arômes un peu plus ternes et moins doux, mais qui n'en est pas moins appréciable. Ca peut être une bonne introduction au monde du thé japonais, à condition de ne pas considérer que "bancha" est synonyme de "au rabais".
Mais ça peut être autre chose ?
Complètement. En fait, pas mal de thés minoritaires et un peu "artisanaux" vont se cacher sous l'étiquette "bancha", et ça peut valoir le coup de les explorer si on peut tomber dessus. Je me permets de vous diriger vers de saines lectures (et d'autres saines lectures) afin d'avoir de tous les détails dont vous puissiez rêver, et je les résumerai comme ceci : sous le nom de "bancha" on pourra retrouver des thés qui ont un petit côté fait maison, séchés au soleil, parfois fermentés (Et oui ! Du pu er japonais ! Ha !), parfois chauffés par contact direct (selon la méthode dite "chinoise"), mais qui ont ceci en commun qu'ils sont fabriqués sans installations coûteuses et gigantesques, et qu'ils tolèrent bien qu'on les infuse très longtemps, voire qu'on les bouille longuement (oui, je sais).
Le second lien est particulièrement intéressant car se penchant sur l'aspect anthropologique et culturel de la consommation du thé et plus particulièrement du bancha. Je vous le recommande.
Je le bois comment ?
Si vous aimez jouer au Petit Chimiste, c'est le moment de sortir votre poêlon pour faire votre hojicha maison. Vous torréfiez la bête au poêlon approprié voire au wok, c'est fun, les enfants adorent, ça sent bon dans toute la maison et vous êtes content de l'avoir fait vous-même. C'est très cool en cadeau.
C'est aussi le moment de faire du thé parfumé. C'est typiquement le genre de thé qui ne va pas broncher si vous y adjoignez quelques tranches de gingembre, des pétales de fleurs, un soupçon d'huile essentielle ou quelques zestes d'agrumes. Ce sera toujours largement supérieur aux abominations que vous achetez chez Kusmi (ne niez pas, je sais qu'on ne les achète que pour les boîtes).
Sans aller aussi loin, vous pouvez vous permettre de l'infuser plutôt chaud, et plutôt long. Comme je l'ai dit il n'a souvent pas la clarté et la subtilité du sencha, mais cela reste du bon thé vert, avec un côté un peu rustique qui a quelque chose de réconfortant. Sa liqueur est plus jaune-vert que franchement vert, ses feuilles sont parfois un peu moins jolies et il y a plus de tiges, mais je sais que vous avez une âme vaillante et ne vous laisserez pas effrayer.
Pour conclure, j'achète, ou pas ?
Bien sûr. Ne serait-ce que pour goûter et comprendre la différence. Si vous avez la possibilité de le faire, ça vaut le coup de pouvoir comparer le bancha et le sencha faits à partir de la même exploitation, pour vraiment comprendre la nuance. Mais honnêtement, un bon bancha n'est jamais un achat en vain. Autant certains thés noirs ont des récoltes d'automne franchement tristounettes, autant on peut avoir des bancha vraiment sympas, encore très riches en arômes et très intéressants à la dégustation. Et comme je l'ai dit, les bons hojichas et genmaicha ne manquent pas, et sans bancha on n'en aurait pas.
Je conclurais en disant que plutôt que de le voir comme le "thé japonais bas de gamme", il vaut mieux le considérer comme le "thé japonais abordable". On peut le traiter un peu moins délicatement que le sencha, il est plus tolérant, plus bonne pâte.
Il vous offrira des litres de bon jus de feuilles chaud, sans odeur zarb d'algues ou umami hyper envahissant. Laissez-lui sa chance.
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